Je viens de passer plus de 50 heures dans VRChat, à explorer ses mondes, observer ses codes, discuter avec des inconnus et parfois simplement écouter. Cette expérience, entre fascination, agacement et découverte, m’a permis de mieux comprendre ce que cette plateforme a réellement à offrir, au-delà des clichés et du chaos des premières connexions.
VRChat, c’est quoi ?
VRChat est une plateforme sociale en ligne immersive qui permet aux utilisateurs d’interagir en temps réel à travers des avatars personnalisables dans des environnements 3D. Conçu initialement pour la réalité virtuelle, le service reste accessible sur PC sans casque via un mode clavier-souris et même sur mobile. Les joueurs peuvent rejoindre des mondes publics ou privés, discuter à l’oral, assister à des événements, ou simplement explorer seul ou en groupe. L’expérience repose fortement sur la spatialisation audio, les animations d’avatar (synchronisation labiale, mouvements de tête, gestes) et la coprésence, ce qui en fait un espace dans lequel l’interaction peut sembler étonnamment « réelle ».
Le cœur de VRChat repose sur le contenu généré par les utilisateurs. Grâce à un kit de développement Unity, chacun peut créer des avatars, des objets ou des mondes entiers, du simple salon virtuel à des scènes interactives complexes. Cette ouverture technique donne naissance à une immense variété de lieux, d’ambiances et de styles. VRChat propose également des outils communautaires comme les groupes, un système de niveaux de confiance pour limiter les abus, ainsi qu’un abonnement payant (VRChat Plus) offrant des options de personnalisation avancées. L’ensemble forme un espace hybride entre réseau social, bac à sable créatif et plateforme d’expression personnelle. Un regret tout de même : la vérification d’âge n’est possible que sur les comptes payants. Absurde.
Premiers pas : ça tourne mal
Mes premiers pas dans VRChat ont été déroutants. Curieux de croiser d’autres francophones, je me suis rapidement dirigé vers les mondes communautaires comme VR French Furs Hub, French Oasis ou le plus fréquenté d’entre eux, French Vibes. Sur ce dernier, l’ambiance y est bruyante, souvent chaotique. Les salons sont remplis, les discussions fusent dans tous les sens, parfois sans aucun filtre. Au début, cette agitation donne une impression de vie et de spontanéité, mais elle devient vite difficile à supporter, surtout quand on cherche un minimum d’échange ou de calme.
Très vite, les aspects les plus toxiques du social VR m’ont sauté au visage. Certains utilisateurs n’hésitent pas à diffuser des sons saturés ou à utiliser des avatars gigantesques pour bloquer la vue ou attirer l’attention. Les comportements problématiques sont fréquents : insultes sexistes, blagues racistes, provocations gratuites « pour rigoler ». Il m’est même arrivé d’être témoin de sessions volontairement sabotées par des « crashers », ces personnes qui exploitent des failles ou des effets pour faire planter les instances et déconnecter tout le monde. Ces premières expériences ont été un rappel brutal que VRChat, malgré ses outils de sécurité, reste très vulnérable aux abus en public. Si « ce n’est qu’un jeu », il y a des humains derrière les avatars, avec différentes sensibilités.
Culture VRChat : entre libertés et abus
La culture de VRChat repose en grande partie sur la tolérance et l’inclusivité, du moins en théorie. Pourtant, dans la pratique, elle laisse souvent passer des comportements toxiques. Malgré les outils de blocage et de filtrage mis à disposition, peu de gens les utilisent de manière proactive. Résultat : les mondes publics sont souvent le théâtre de longues discussions sans fond, de provocations répétées, voire de disputes ouvertes. Beaucoup préfèrent « laisser passer » pour ne pas casser l’ambiance ou au nom d’une certaine liberté d’expression, même lorsque celle-ci dégénère en propos sexistes, racistes ou franchement déplacés. L’absence de modération directe dans la plupart des salons publics crée une tolérance implicite envers les comportements problématiques, qui finissent par devenir presque banals.
De mon côté, j’ai vite choisi une autre approche. Lorsqu’une personne dépasse les limites, je la bloque sans hésitation. Pas de débat, pas de tentative de raisonnement : je ne perds pas mon temps avec ceux qui gâchent l’expérience des autres. Cela rend les sessions plus sereines, même si ça réduit parfois le nombre de personnes avec qui interagir. C’est une forme d’auto-défense numérique que beaucoup hésitent encore à adopter. Si VRChat est un espace où l’expression de soi est valorisée, il gagnerait à faire plus pour protéger ceux qui veulent simplement discuter ou explorer sans être confrontés à des comportements destructeurs. La culture du laisser-faire, sous couvert d’ouverture, a ses limites.
Une communauté de modérateurs à bout
La modération sur VRChat repose en grande partie sur des bénévoles, souvent issus eux-mêmes de la communauté. Ils font ce qu’ils peuvent, mais leurs moyens sont limités. Dans certaines instances francophones comme celles de French Vibes, il n’est pas rare de voir débarquer plus de 30 ou 40 personnes dans un même salon. Avec un tel afflux, modérer efficacement devient pratiquement impossible. Les modérateurs doivent jongler entre surveillance, médiation, et parfois gestion de véritables crises en direct. Sans outils avancés ni soutien centralisé, ils sont souvent contraints de choisir leurs batailles, laissant passer certains abus par fatigue ou par nécessité.
Il m’est arrivé d’entendre des conversations entre modérateurs, généralement dans des coins plus calmes de la map, et la lassitude était palpable. Certains semblaient à bout, dépassés par le flot ininterrompu de comportements toxiques et le manque de reconnaissance pour leur travail. Quand les problèmes viennent en rafale, entre provocateurs chroniques, crashers et conflits interpersonnels, difficile de maintenir une atmosphère saine. Le bénévolat a ses limites, et sur VRChat, ce sont les modérateurs eux-mêmes qui en paient le prix émotionnel.
Note : Je cite French Vibes car c’est le monde francophone le plus populaire, mais il s’agit d’un problème généralisé à VRChat. La plupart des modérateurs sont souvent débordés et font ce qu’ils peuvent.
Les rangs dans VR Chat
VRChat utilise un système de niveaux de confiance pour classer les utilisateurs en fonction de leur ancienneté, de leur activité et de leur comportement sur la plateforme. Plus une personne passe de temps en jeu, crée du contenu, interagit sans être signalée, plus son niveau augmente. Ce système permet d’ajuster automatiquement la visibilité des avatars, effets et voix selon la fiabilité perçue des participants, ce qui aide à limiter les abus dans les salons publics sans bloquer l’accès aux nouveaux venus.
Visitor (Visiteur)
- Rang initial attribué à tout nouvel utilisateur.
- Couleur : Gris
- Accès très limité, impossible de publier du contenu (avatars, mondes, etc.).
New User (Nouvel utilisateur)
- Obtenu après quelques heures de jeu et d’interactions basiques.
- Couleur : Bleu
- Donne accès au téléchargement de contenus via le SDK (avatars personnalisés, mondes).
User (Utilisateur)
- Attribué après une activité modérée : plus de temps de jeu, contacts, utilisation régulière.
- Couleur : Vert
- Débloque davantage de visibilité pour les avatars et permet une meilleure intégration dans les salons publics.
Known User (Utilisateur connu)
- Pour les utilisateurs actifs depuis un bon moment, avec un comportement stable.
- Couleur : Orange
- Permet plus de libertés dans les salons (moins de restrictions par défaut).
Trusted User (Utilisateur de confiance)
- Réservé aux utilisateurs les plus anciens, respectueux et bien intégrés.
- Couleur : Violet
- Le niveau de confiance le plus élevé hors cercle privé.
Friend (Ami)
- Couleur spéciale visible uniquement par les personnes figurant dans votre liste d’amis.
- Couleur : Jaune
- Ce rang se superpose au rang de confiance de base.
Comment je me suis protégé sur VR Chat ?
Pour limiter les comportements toxiques sur VRChat, j’ai configuré mes paramètres de sécurité pour bloquer automatiquement tous les contenus provenant des utilisateurs au rang le plus bas, les « Visitor ». Ce sont souvent eux qui posent le plus de problèmes : avatars lourds ou instables, sons agressifs, propos déplacés, voire tentatives de faire crasher les instances. En bloquant d’office leurs voix, avatars et effets, j’évite une grande partie des nuisances les plus courantes dans les salons publics.
Cela réduit évidemment les interactions spontanées avec les nouveaux venus, mais c’est un filtre efficace. Quand un « Visitor » participe à une discussion de manière respectueuse, je prends le temps de le débloquer manuellement, au cas par cas. C’est une approche plus lente, mais bien plus sereine. Je réactive ensuite progressivement la voix, l’apparence ou les effets en fonction de la confiance que j’accorde à la personne. Ce système me permet de préserver une expérience de jeu agréable, sans renoncer totalement à l’accueil des nouveaux.
De nombreux mondes à explorer
L’un des aspects les plus enrichissants de VRChat, c’est la diversité des mondes à explorer. Au-delà des salons surpeuplés, il existe une multitude de lieux calmes, parfois poétiques, souvent magnifiques. Certains créateurs francophones ont produit des environnements exceptionnels : ruelles animées, appartements parisiens, forêts interactives, scènes inspirées de la culture locale. Pourtant, ces mondes restent étrangement vides, même lorsqu’ils sont techniquement et esthétiquement supérieurs aux espaces les plus fréquentés. Prendre le temps de s’y aventurer, même seul, change totalement l’expérience. On y retrouve le plaisir de l’exploration, sans le bruit ni les interruptions.
Pour que ces mondes prennent vie, il serait utile de créer des groupes basés sur des centres d’intérêt ou sur la géolocalisation, comme une ville ou une région. Cela faciliterait les échanges ciblés et pourrait, à terme, mener à des rencontres dans la vraie vie, pour ceux qui le souhaitent. Il existe, par exemple, un monde inspiré de Paris, avec une belle reconstitution de la Tour Eiffel et ses alentours, mais il est toujours vide. Avec un peu de coordination, ces espaces pourraient devenir des lieux de rendez-vous réguliers pour les utilisateurs d’Île-de-France, ou d’ailleurs. VRChat offre les outils, il ne manque qu’une impulsion collective pour faire vivre ces mondes.
Un aspect humain fort
Avec un peu d’expérience et une bonne configuration des filtres de sécurité, VRChat devient bien plus agréable à utiliser. Une fois qu’on sait comment se protéger des comportements toxiques, on découvre une autre facette de la plateforme : celle où l’on peut vraiment échanger, discuter, créer des liens. Les rencontres intéressantes ne manquent pas, mais elles se trouvent souvent à l’écart du bruit ambiant. Les utilisateurs les plus visibles sont souvent les plus bruyants, mais ce ne sont pas toujours ceux avec qui l’on a envie de parler. Derrière un avatar discret, on peut tomber sur quelqu’un avec qui la discussion dure des heures, sans forcer.
VRChat vaut clairement le détour, à condition d’y consacrer un peu de temps et d’énergie. Que ce soit en réalité virtuelle, sur PC ou même depuis un mobile, l’expérience peut être riche si l’on sait où chercher et comment se protéger. C’est un espace atypique, parfois désordonné, mais qui récompense la patience et la curiosité. Ceux qui se contentent des salons populaires n’en voient qu’une surface bruyante et instable. Ceux qui prennent le temps d’explorer découvrent une plateforme plus humaine qu’elle n’en a l’air.
Faire évoluer la « culture VRChat »
Les utilisateurs de VRChat gagneraient à être plus proactifs en matière de modération personnelle. Trop de personnes tolèrent des comportements toxiques par passivité ou pour éviter les conflits, alors qu’un simple blocage suffit souvent à assainir l’ambiance. Couplée à une configuration stricte des paramètres de sécurité, cette approche permet de filtrer efficacement les nuisances sans perdre de temps à argumenter. En prenant l’habitude de bloquer immédiatement les comportements abusifs, l’expérience devient plus fluide, plus sereine et bien plus agréable à long terme.
Sortir des lieux les plus populaires permet aussi de redécouvrir le potentiel de la plateforme. De nombreux mondes originaux, souvent très bien réalisés, restent vides faute de visibilité. Les créateurs et les influenceurs VR pourraient emmener leur communauté dans ces environnements, contribuant à redonner vie à des espaces bien plus propices aux échanges calmes et aux rencontres intéressantes. Ces mondes existent en grand nombre, et explorer au-delà des hubs surchargés reste le meilleur moyen d’expérimenter VRChat dans ce qu’il a de plus riche.
VRChat n’est pas une plateforme immédiatement accueillante, mais une fois qu’on apprend à s’y orienter, à filtrer ce qui pollue l’expérience et à explorer au-delà des salons les plus bruyants, elle révèle une richesse insoupçonnée. Entre les mondes visuellement impressionnants, les rencontres inattendues et les discussions sincères, il y a de quoi vivre des moments uniques, que ce soit en VR, sur PC ou même sur mobile. Avec un peu de méthode et de patience, VRChat devient bien plus qu’un simple terrain de jeu : un espace social libre, imparfait, mais profondément humain.
