Avec Les Quatre Fantastiques : Premiers pas, Marvel Studios signe une nouvelle tentative de relancer l’une des équipes les plus emblématiques de son catalogue. Réalisé par Matt Shakman, connu pour la série WandaVision, le film est sorti en juillet 2025 en ouvrant la Phase 6 du Marvel Cinematic Universe. L’intrigue prend place dans une réalité alternative des années 60, au sein d’un univers rétrofuturiste qui rappelle aussi bien la BD de Jack Kirby que des références comme Les Indestructibles ou Fallout. Porté par Pedro Pascal, Vanessa Kirby, Joseph Quinn et Ebon Moss-Bachrach, le film met en scène la famille super-héroïque par excellence dans une aventure à la fois spatiale et intime. Julia Garner incarne la Surfeuse d’Argent, tandis que Ralph Ineson prête sa voix et sa présence à un Galactus plus imposant que jamais. Le scénario est signé Josh Friedman, Eric Pearson, Jeff Kaplan et Ian Springer.
Exit les origin stories
Dans cette nouvelle mouture, les Quatre Fantastiques sont déjà des figures établies du paysage super-héroïque. Loin des traditionnelles origin stories, le film plonge directement dans leur quotidien au sein d’un New York rétrofuturiste. Reed Richards, Sue Storm, Johnny Storm et Ben Grimm vivent dans la Tour Baxter, symbole d’une modernité utopique où la science et la magie coexistent dans un décor aux inspirations sixties. Alors que Sue attend un enfant, l’équipe est confrontée à une menace cosmique venue bouleverser leur fragile équilibre.
L’apparition de la Surfeuse d’Argent vient annoncer l’arrivée imminente de Galactus, le Dévoreur de Mondes. Commence alors une course contre-la-montre pour protéger la Terre. Mais dans un monde déjà habitué à l’extraordinaire, la menace semble presque banale. Le dilemme moral posé par Galactus, la réaction ambivalente de la population, l’impréparation émotionnelle de l’équipe et leurs tensions internes viennent alimenter un récit plus familial que véritablement apocalyptique.
Pedro Pascal, Vanessa Kirby, Joseph Quinn et Ebon Moss-Bachrach
Pedro Pascal incarne un Reed Richards charismatique, mais nuancé, bien loin de la froideur intellectuelle que le personnage peut dégager dans certaines adaptations. Vanessa Kirby impressionne dans le rôle de Sue Storm, en héroïne calme et réfléchie, prête à tout pour préserver sa famille. Ensemble, ils forment un couple crédible, même si on peut noter un manque d’intensité émotionnelle dans leurs interactions.
Joseph Quinn en Johnny Storm apporte un souffle adolescent, parfois trop clownesque, mais cohérent avec la tonalité volontairement pop du film. Ebon Moss-Bachrach, quant à lui, campe un Ben Grimm bourru, mais attachant. Le reste de la distribution, de Julia Garner (Surfeuse d’Argent) à Ralph Ineson (Galactus), offre un jeu solide malgré des temps de présence parfois limités. Paul Walter Hauser et Natasha Lyonne viennent compléter cette galerie de personnages avec une touche d’excentricité.
Matt Shakman à la réalisation
Matt Shakman, connu pour sa capacité à naviguer entre les genres à la télévision, propose ici une vision audacieuse et stylisée. Il ose rompre avec les codes hyperréalistes du MCU pour créer un monde visuellement distinct, où l’inspiration des années 60 est omniprésente. Il s’éloigne des combats génériques en privilégiant des séquences d’intimité ou de contemplation, notamment dans la première partie du film centrée sur la dynamique familiale.
Cette approche plus rétro, influencée aussi bien par Jack Kirby que par le cinéma d’aventure spatial des années 80, permet à Shakman d’ancrer les Quatre Fantastiques dans une réalité parallèle où l’absurde devient la norme. Il parvient cependant difficilement à maintenir cet équilibre jusqu’à la fin du film, qui retombe dans un affrontement plus classique et attendu, malgré la grandeur visuelle de Galactus.
Ta gueule, c’est magique
Le film souffre de plusieurs faiblesses structurelles. D’abord, son ton fantaisiste assumé déstabilise. En banalisant les situations extraordinaires, il nuit à la tension dramatique. Le spectateur ne ressent plus l’urgence des enjeux, notamment lors des confrontations avec Galactus ou dans les scènes de panique à New York qui versent parfois dans la parodie. On note aussi une tendance à éviter toute justification narrative en expliquant que « dans ce monde, tout est possible », une pirouette scénaristique qui finit par lasser.
Les interactions entre les membres de l’équipe manquent parfois de consistance. L’alchimie promise par le concept de « famille » n’est pas toujours au rendez-vous. Certaines relations, comme celle entre Sue et Johnny, semblent survolées. Le développement du personnage de Ben Grimm est aussi trop discret. Enfin, la Surfeuse d’Argent, bien que stylisée, manque de profondeur, et sa relation avec Johnny paraît artificielle. Quant au climax, il s’avère prévisible et peu palpitant, affaibli par un usage peu inspiré des pouvoirs des héros.
Un univers rétrofuturiste réussi
Malgré ses défauts, Les Quatre Fantastiques : Premiers pas séduit par son identité visuelle forte. L’univers rétrofuturiste est riche, foisonnant de détails et de références graphiques à l’œuvre originale de Jack Kirby. La photographie est léchée, les effets spéciaux sont globalement réussis et certaines séquences spatiales, notamment autour du trou noir, sont d’une rare beauté dans le MCU. La bande originale de Michael Giacchino, symphonique et évocatrice, renforce l’identité singulière du film.
Le film réussit aussi à s’extraire du MCU traditionnel en proposant une œuvre presque autonome, qui peut se voir sans connaissance préalable des autres opus. L’idée de traiter les super-héros comme des icônes publiques aimées et mythifiées, à l’image de figures messianiques, donne lieu à des moments de cinéma véritablement touchants. Le regard des enfants sur la Chose, les scènes de vie dans la Tour Baxter ou encore la dimension utopiste du monde 828 offrent un nouveau souffle, qui manquait cruellement à la franchise depuis quelques années.
Les Quatre Fantastiques : Premiers pas n’est pas un film sans failles, mais il s’impose comme une proposition originale au sein d’un MCU fatigué. En misant sur une esthétique rétrofuturiste, une dynamique familiale plus intime et une rupture avec la narration classique, Matt Shakman signe un opus imparfait, mais rafraîchissant. Le long-métrage est traversé par de belles intentions et quelques fulgurances visuelles, même si le scénario peine à offrir une montée en puissance émotionnelle à la hauteur de ses ambitions. S’il ne réussit pas tout, ce reboot redonne un certain espoir à une franchise longtemps maltraitée sur grand écran. Reste à voir si la suite saura concrétiser les promesses esquissées dans cette entrée en matière foisonnante.