Tainted Grail: The Fall of Avalon est un jeu de rôle en monde ouvert à la première personne développé par le studio polonais Questline et édité par Awaken Realms. Sorti le 23 mai 2025 sur PC et consoles, il propose une relecture sombre et mature des légendes arthuriennes. Le jeu s’inscrit dans un univers de dark fantasy où l’île d’Avalon, autrefois sanctuaire légendaire, sombre dans un automne éternel sous la menace d’une force chaotique nommée le Wyrd. Après une phase d’accès anticipé entamée en mars 2023, la version finale promettait une expérience ambitieuse aux inspirations évidentes.
La légende du roi Arthur et Excalibur
Le joueur incarne un prisonnier anonyme, rapidement libéré pour se voir confier une quête aux proportions mythologiques : retrouver Excalibur et affronter l’héritage pourrissant du roi Arthur, six cents ans après sa mort. L’intrigue principale, structurée autour de multiples embranchements, se déploie à travers plus de deux cents quêtes secondaires, une douzaine de fins alternatives et une narration souvent teintée de noirceur et de mysticisme. L’univers, désespéré, mais fascinant, se construit par petites touches à travers les dialogues, les objets trouvés et les journaux intimes des personnages. On y croise des spectres, des rituels interdits et une terre déformée par le Wyrd, rendant chaque zone dangereuse et imprévisible, notamment durant les nuits de « Wyrdnite » où les menaces se décuplent.
Côté gameplay, le jeu fait le choix d’une personnalisation poussée du personnage, sans classes prédéfinies. On peut ainsi incarner un archer furtif, un mage nécromancien, un forgeron invocateur ou un barbare alchimiste, avec un système d’attributs et de compétences interconnectés. Le combat mêle attaques légères et lourdes, esquives, parades et sorts, avec une attention portée à l’impact des coups. Les activités secondaires sont nombreuses : artisanat, pêche, agriculture, gestion d’un foyer, ou encore journal de croquis, apportant une respiration bienvenue à la progression. Le monde d’Avalon est vaste, segmenté en trois grandes régions, chacune regorgeant de secrets et de donjons à explorer.
C’est Skyrim ou quoi ?!
Malgré ses qualités scénaristiques et son ambition, Tainted Grail: The Fall of Avalon souffre de plusieurs défauts techniques notables. Les bugs, crashs et problèmes d’optimisation (même sur des configurations solides) entravent l’expérience, avec des ralentissements fréquents, du clipping, et des sauvegardes parfois corrompues. Les graphismes, bien que parfois inspirés, accusent un retard visible, notamment dans les textures de peau et les animations faciales. L’intelligence artificielle des ennemis laisse également à désirer, ceux-ci se coinçant facilement dans le décor ou réagissant de manière incohérente. Enfin, l’inventaire vite saturé par des objets sans intérêt et un système d’encombrement trop rigide rendent la collecte fastidieuse.
Les quêtes, bien que nombreuses, manquent parfois de variété, et l’exploration peut donner une impression de vide ou de répétition. Certains joueurs regrettent un système de progression trop rapide dans certaines compétences, rendant les derniers affrontements trop faciles après une difficulté initiale corsée. L’ambiance générale peut aussi rebuter : son ton sombre, sa violence symbolique, et certains écrits maladroits (comme des textes à connotation douteuse) dénotent avec l’intention sérieuse affichée.
Pour autant, Fall of Avalon sait séduire par sa richesse de contenu et l’identité forte de son univers. Le jeu fourmille d’idées, de mécaniques complémentaires, et offre une grande liberté d’approche dans le gameplay. Le système de progression, basé sur l’usage des compétences, s’avère gratifiant : courir, crocheter, fabriquer ou incanter permet d’améliorer directement les statistiques associées. La variété des styles de jeu et la personnalisation fine des personnages sont de vrais atouts, de même que l’artisanat accessible et utile à toutes les étapes de l’aventure.
Le monde d’Avalon, bien qu’imparfait sur le plan visuel, offre de beaux moments de découverte, entre paysages étranges, donjons maudits et rencontres insolites. L’écriture de certains dialogues et la galerie de personnages contribuent à une ambiance singulière, entre grotesque et mélancolie. Enfin, le jeu montre un certain charme dans son jank assumé, rappelant les RPG Bethesda d’antan : maladroit, certes, mais passionné, sincère et imprégné d’une volonté de bien faire qui force le respect.
Questline : le jeu vidéo polonais
Questline est un studio polonais encore jeune, mais qui démontre avec Tainted Grail: The Fall of Avalon une ambition certaine. L’équipe, épaulée par Awaken Realms, n’en est pas à son premier coup d’essai : elle avait déjà signé Tainted Grail: Conquest, un spin-off roguelite salué pour sa richesse narrative. Issue du monde du jeu de plateau d’où provient la franchise d’origine, la société transpose ici sa maîtrise de la construction d’univers et de narration complexe dans le médium vidéoludique.
Awaken Realms, quant à lui, est un éditeur connu dans le monde du jeu de société pour des titres tels que Nemesis ou Etherfields. Sa transition vers le jeu vidéo reste relativement récente, mais marquée par une volonté claire d’investir dans des licences originales, ambitieuses et portées par une forte identité visuelle. Avec Fall of Avalon, le studio propose une « expérience AAA » sur un budget plus modeste, incarnant une certaine idée du RPG à l’européenne : dense, narratif, parfois rugueux, mais toujours audacieux.
Tainted Grail: The Fall of Avalon est un RPG imparfait, parfois frustrant, mais profondément attachant. Il embrasse son héritage arthurien avec gravité, tout en offrant une liberté de jeu et une profondeur rarement vues dans les productions indépendantes de cette envergure. Ses défauts techniques et son manque de finition ne doivent pas masquer une proposition singulière, vibrante et passionnée. Un titre à recommander aux amateurs de RPG exigeants et d’univers sombres, capables de pardonner quelques accrochages pour vivre une aventure hors des sentiers battus.
