Ces dernières semaines, Baldur’s Gate 3 a créé la surprise et est rapidement devenu la coqueluche des gamers. Disponible en early access depuis quelques mois, le titre de Larian Studios a réussi là où de nombreux triple A se sont vautrés. Ce petit exploit montre qu’il est tout à fait possible de lancer un nouveau jeu exempt de bugs (ou presque).

Baldur's Gate 3 - Lae'zel

When it’s done

Donner le temps aux développeurs de peaufiner leur jeu est souvent ce qui manque aux studios. Parce que le temps, c’est de l’argent. Souvent le choix est fait de proposer aux joueurs un titre dans un état acceptable. Les gens grogneront quelques jours sur Twitter et puis on oubliera vite le lancement avec quelques patchs. Si cela semble une très mauvaises stratégie, la réalité c’est que c’est aussi le standard dans l’industrie. Après une période de rush avant la sortie, le développement continue ensuite pendant de longs mois.

Aujourd’hui, le marché du jeu vidéo est bien connu et les éditeurs savent à quel moment sortir leurs titres, quelles sont les attentes et le modes. Il est souvent essentiel pour un produit qui nécessite autant d’investissements d’être disponible sur ce marché au bon moment. En effet, un jeu qui sort après la hype a de fortes chances de faire un flop. Typiquement, sortir un battle royale en 2023, ce serait arriver trop tard. On peut aussi citer Skull and Bones d’Ubisoft qui avait été annoncé en 2017 et qui n’est toujours pas disponible. On peut légitimement s’interroger sur la demande d’un tel jeu en 2024.

Un marché qui explique les deadlines souvent irréalistes dont les développeurs savent qu’elles ne sont pas tenables. Des deadlines qui ont incitées les studios à mettre en œuvre un crunch insoutenable pour les travailleurs du secteur. À tel point que les studios peinent désormais à recruter des développeurs et des artistes. Travailler dans le jeu vidéo n’est plus un métier de rêve. C’est d’ailleurs pour cette raison que de nombreux studios commencent péniblement à faire machine arrière afin de proposer de meilleures conditions de travail à leurs employés. On a trop tiré sur la corde.

Baldur's Gate 3 - Shadowheart
Moi devant un jeu pas fini et bugué.

Pour ne plus refaire une « Cyberpunk »

J’en avais déjà parlé dans un autre article mais la sortie en catastrophe de Cyberpunk 2077 est devenu un cas d’école. Si les joueurs attendaient le titre de CD Projekt comme le Messie, ça a été la douche froide. Ses versions Xbox One et PS4 étaient très largement en dessous des standards de qualité. Le jeu n’était même pas dans un état acceptable. On découvrira, plus tard, que le développement avait été un cauchemar et que le management n’a pas été à la hauteur. Une organisation très complexe pour un projet d’une telle envergure.

Un tel désastre ne doit plus se reproduire, c’est évident. Pourtant quand on observe la plupart des gros jeux à leur sortie, force est de constater qu’ils sont rarement soignés et que la norme semble être aux bugs. La particularité du média jeu vidéo c’est qu’il est « réparable ». Aujourd’hui, on peut tout à fait corriger le tir avec des mises à jour. C’est une bonne chose mais cela signifie aussi qu’acheter un jeu day one n’est pas forcément une bonne idée. Idem pour les précommandes, il est évident que ça n’est rarement pertinent. Cyberpunk 2077 est probablement le meilleur exemple puisque la confiance en CD Projekt était au maximum pourtant ce qui a été livré aux joueurs était intolérable.

Bien qu’il y ait de nombreux facteurs qui expliquent ce désastre industriel, cet évènement d’ampleur aura quelque peu bouleversé le secteur. Les sorties décalées sont de plus en plus fréquentes, on ne nous annonce plus de dates de sortie mais une année. Finalement Cyberpunk 2077 a grandement bouleversé la manière dont on fait des jeux. Bien qu’il y ait encore des ratés, le plus récent étant Le Seigneur des Anneaux : Gollum, dans l’ensemble on constate tout de même une certaine transformation dans cette industrie. Les éditeurs et les studios n’ont plus vraiment le choix s’ils veulent trouver de la main d’œuvre. On parle d’un marché fleurissant qui a les moyens de ses ambitions.

Cyberpunk 2077 - V femme

Baldur’s Gate 3 : le nouveau mètre étalon ?

Bien qu’il n’existe, pour le moment, aucune source permettant de réellement connaitre les méthodes de travail de Larian Studios, le fait est qu’ils ont réussi à produire un titre de très haute qualité dès la sortie. Une chose que l’on est en droit d’attendre à un moment où les jeux sont vendus entre 50 et 60€. Nous sommes face à des produits de luxe qui se doivent de répondre aux exigences qualité. Si l’on peut pardonner des choses à un studio indépendant, ça n’est pas le cas avec des éditeurs qui pèsent plusieurs millions/milliards de dollars.

Larian Studios a aussi montré qu’il est possible d’être à la hauteur des attentes. Donner du temps pour le développement et proposer une early access afin d’obtenir les premiers retours des joueurs semblent être de bonnes choses. On l’a aussi vu chez Ubisoft qui a offert aux joueurs d’essayer les versions Beta de XDefiant et The Crew Motorfest. Une manière de corriger le tir et d’éventuellement supprimer certains bugs lors de la sortie officielle. Mettre à contribution la communauté permet aussi d’aider les services de Quality Assurance qui ont longtemps été le parent pauvre de cette industrie. Des métiers qui ont clairement besoin d’être revaloriser.

Ce qu’il faudra surtout retenir, c’est que le soin apporté au titre lui a permis d’avoir une excellente presse dès sa sortie. Il figure d’ors-et-déjà parmi les titres les mieux notés de ces dernières années. Alors que l’on imaginait Baldur’s Gate 3 n’intéresser qu’une poignée de nostalgiques, cet incroyable jeu a réussi à séduire un très grande majorité de joueurs. Des joueurs qui, pour la plupart, ne connaissaient même pas le principe de certains jeux de plateaux dont est inspiré la franchise. C’est un bel exploit qui montre que si l’on prend le temps et que l’on met de la passion dans ce que l’on fait, c’est souvent le succès qui est au bout du chemin.

Personne ne me fera croire que le marché était dans l’attente d’un jeu de ce genre mais que c’est plutôt le sérieux du développement qui aura réussi à le laisser marquer une trace dans l’histoire du média.