L’adaptation cinématographique de Borderlands, réalisée par Eli Roth, s’attaque à un univers déjà bien établi dans le monde du jeu vidéo. Avec un casting de renom et un budget conséquent, le film cherche à capter l’essence du jeu tout en attirant un nouveau public. Sorti en août 2024, le long-métrage fait face à des attentes élevées, notamment en raison de la popularité de la franchise dont il est tiré.

Le film Borderlands est un échec artistique et commercial.

De retour sur Pandore

Borderlands nous plonge sur la planète Pandore, un lieu chaotique où règne la loi du plus fort. L’histoire débute avec Roland, un mercenaire interprété par Kevin Hart, qui kidnappe une jeune fille nommée Tiny Tina, jouée par Ariana Greenblatt. Ce kidnapping est loin d’être ce qu’il semble, et très vite, le film dévoile une intrigue plus complexe où les motivations des personnages se révèlent ambiguës. Roland, accompagné de Krieg, un psychopathe joué par Florian Munteanu, aide finalement Tina à échapper à son père, Atlas, un magnat de l’armement interprété par Édgar Ramírez.

Le film met ensuite en scène la chasseuse de primes Lilith, incarnée par Cate Blanchett, qui retourne sur Pandore pour sauver Tina. Avec l’aide de Claptrap, un petit robot sarcastique doublé par Jack Black, Lilith suit la trace de la jeune fille. L’histoire progresse alors vers une confrontation inévitable avec les forces d’Atlas, qui voit en Tina la clé pour débloquer un ancien secret caché sur la planète.

Tandis que le groupe se rapproche de son objectif, les tensions montent, et des trahisons inattendues compliquent la mission. Le film tente de maintenir un équilibre entre action frénétique et moments de répit, tout en explorant la dynamique entre les personnages principaux. L’intrigue, bien que simple, se veut un hommage aux éléments narratifs du jeu, avec une touche de drame supplémentaire.

Le casting n'arrive pas à sortir le film Borderlands du naufrage.

Une débauche de moyens pour rien

Malgré un univers riche en potentiel, Borderlands peine à trouver son rythme en tant que film. L’adaptation d’un jeu vidéo à l’écran est un exercice difficile, et ici, le passage du format interactif au format linéaire semble avoir atténué l’impact des éléments qui ont fait le succès du jeu. Les personnages, qui dans le jeu apportent une dose d’humour et d’originalité, paraissent ici plus stéréotypés et moins dynamiques. Leurs interactions manquent de profondeur, rendant difficile l’attachement du spectateur à leurs quêtes respectives.

Le film souffre également d’un scénario qui parait secondaire face à l’enchaînement des scènes d’action. Bien que ces dernières soient bien chorégraphiées, elles finissent par devenir répétitives, sans offrir de véritable enjeu ou surprise. Les choix de narration, censés maintenir l’intérêt, tombent souvent à plat et l’intrigue principale n’arrive jamais vraiment à décoller. Les moments de comédie, essentiels dans le jeu pour équilibrer la noirceur de l’univers, sont ici trop rares et très mal dosés.

La fidélité au matériel d’origine, bien que louable, se révèle être un piège. Le film respecte les grandes lignes de l’univers de Borderlands, mais ne parvient pas à s’en détacher pour proposer quelque chose de véritablement novateur ou intéressant. Cette approche, bien qu’elle puisse plaire aux fans inconditionnels du jeu, risque de laisser le grand public indifférent, voire frustré. Le potentiel de Borderlands en tant qu’univers cinématographique reste ainsi sous-exploité, malgré des efforts évidents pour le transposer à l’écran.

Eli Roth, le réalisateur du film Borderlands.

Les gameurs·euses ne sont pas des gros beaufs

Les adaptations cinématographiques de jeux vidéo ont souvent été critiquées pour leur incapacité à capturer l’essence des jeux qu’elles tentent de transposer. L’un des problèmes récurrents est la persistance de stéréotypes dégradants concernant les joueurs. Hollywood, dans ses tentatives d’adaptation, semble enfermé dans une vision caricaturale des gamers, représentés comme des individus socialement maladroits, obèses ou accros à la technologie. Cette image simpliste et dévalorisante persiste malgré la diversité croissante des joueurs dans le monde réel, faisant écho à des préjugés qui datent des premières heures des jeux vidéo.

Des films comme Super Mario Bros. (1993) et Street Fighter (1994) illustrent bien cette incapacité à s’affranchir des stéréotypes. Dans Super Mario Bros., la tentative de fusionner l’univers coloré et fantastique du jeu avec une intrigue urbaine sombre a non seulement raté le coche en termes de fidélité, mais a également contribué à une vision peu flatteuse des jeux vidéo. De même, Street Fighter, bien que rempli de personnages emblématiques, souffre d’un traitement superficiel qui ne rend pas justice aux nuances du jeu original, et peine à se connecter avec le public au-delà de ses personnages connus.

Cette tendance à éviter la profondeur et à privilégier des représentations clichées se retrouve aussi dans Resident Evil (2002) et ses suites. Bien que la franchise soit l’une des adaptations les plus lucratives, les films se sont souvent concentrés sur des scènes d’action spectaculaires au détriment de la richesse narrative et de la complexité des personnages que les jeux offrent. Les films de Paul W.S. Anderson continuent d’alimenter le stéréotype du jeu vidéo comme simple prétexte pour des séquences d’action débridées, renforçant l’idée que les jeux ne méritent pas une véritable adaptation cinématographique de qualité.

Le manque de compréhension et d’effort pour capturer la richesse et la diversité des jeux vidéo conduit à des adaptations qui, comme Borderlands, échouent à dépasser les stéréotypes et à offrir quelque chose de substantiel. Hollywood semble piégé dans une vision simpliste et commerciale des jeux vidéo, manquant ainsi l’opportunité de créer des œuvres qui pourraient véritablement honorer et enrichir les univers qu’elles prétendent représenter.

Le personnage de Tiny Tina, incarné par Ariana Greenblatt dans le film Borderlands.

Une évolution salutaire

Toutefois, certaines adaptations de jeux vidéo parviennent à capturer l’essence de leurs sources tout en les adaptant avec succès au format série. The Last of Us, diffusée sur HBO, est un exemple emblématique de cette réussite. Basée sur le jeu acclamé de Naughty Dog, la série a su préserver l’intensité émotionnelle et la profondeur narrative qui ont fait le succès du jeu. Avec une adaptation soignée, elle explore les thèmes de survie et de relation humaine d’une manière poignante, tout en enrichissant les personnages et l’intrigue. La fidélité à la vision originale, combinée à une approche créative, a permis à The Last of Us d’attirer aussi bien les fans du jeu que les nouveaux venus.

Joel Miller (Pedro Pascal) et Ellie (Bella Ramsey) dans la série The Last of Us.

De même, la série The Witcher de Netflix a réussi à transposer l’univers riche et complexe du jeu vidéo, tout en intégrant les éléments des romans de Andrzej Sapkowski. En mettant l’accent sur la profondeur des personnages et la complexité de l’intrigue, The Witcher parvient à maintenir l’atmosphère sombre des jeux tout en offrant une adaptation qui fonctionne. Henry Cavill, dans le rôle de Geralt de Riv, incarne avec succès le personnage central de cette saga. Cette série a été saluée pour sa capacité à naviguer entre fidélité au matériau d’origine et innovations nécessaires pour le format sériel.

Henry Cavill incarne avec talent Geralt de Riv dans la série Netflix The Witcher.

La série Fallout, récemment diffusée sur Prime Video, ajoute une autre réussite notable au palmarès des adaptations de jeux vidéo. Inspirée de la célèbre série de jeux post-apocalyptiques, elle parvient à capturer l’essence de l’humour noir et du monde dystopique caractéristiques de Fallout. Les créateurs ont su intégrer des éléments clés du jeu tout en développant une intrigue originale qui enrichit l’univers sans le trahir. La série se distingue par sa capacité à préserver l’esprit du jeu tout en offrant une nouvelle perspective qui engage les fans de longue date ainsi que les spectateurs non familiers avec la franchise. Ces réussites démontrent que lorsque le respect du matériau source est associé à une compréhension profonde des besoins d’adaptation, les jeux vidéo peuvent être transformés en œuvres visuelles captivantes et réussies.

L'actrice Ella Purnell dans la série Fallout a réussi à convaincre les joueurs et le grand public.

Difficile d’imaginer comment sont conçus ces films à Hollywood, tant ils sont à côté de la plaque. Avec un brainstorming qui, de toute évidence, ne va pas chercher plus loin qu’un ciblage marketing de la branche gamergateux de la communauté de joueurs, la plupart des adaptations passent totalement à côté de l’essentiel. À tel point que l’on se demande si, finalement, le média jeu vidéo n’est pas plus pertinent qu’une industrie du cinéma vieillissante. Le film Borderlands est tellement symptomatique des clichés sur le gaming que cela en fait un cas d’école et permet d’identifier tout ce qu’il faut éviter dans une adaptation. Quelle honte.

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Jiti
Amateur de pop culture et de jeux vidéo, je partage mes passions sur le web. Je produis des contenus sur ce blog, sur YouTube et TikTok. Vétéran de l'Internet, j'ai commencé à bloguer au début des années 2000 et je suis toujours là !