Sorti dans un contexte particulier, Atomic Heart est le premier jeu du studio Mundfish originaire de Russie, mais se revendiquant chypriote. Si la plupart des inquiétudes tournaient autour d’une éventuelle propagande pour le gouvernement Russe, notamment à cause des financements provenant de ce pays, rassurez-vous (ou pas), ça n’est pas le cas, mais le titre a bien d’autres problèmes.

Atomic Heart - Twins

Une histoire séduisante sur le papier

Atomic Heart se déroule dans une timeline alternative dans laquelle l’Union Soviétique est devenue une très grande nation. Un communisme fantasmé qui aura permis au pays de devenir le cœur de la technologie et de la science. À tel point qu’ils fournissent des robots à l’ensemble du monde. L’histoire démarre à quelques jours du lancement de Kollektiv 2.0, un réseau qui veut connecter les Humains entre eux et qui permettra de contrôler les machines par la pensée. Une révolution qui doit changer la face du monde. Bien entendu, tout ne va pas se passer comme prévu et les robots vont commencer à devenir agressifs et c’est là qu’entre en scène notre héros Nechayev Sergey Alekseyevich aka P-3.

Notre ami va donc partir à la recherche d’une solution pour endiguer le problème, équipé de ses gros flingues et d’un tempérament qui n’est pas sans rappeler les films d’action des années 90. P-3 balance régulièrement des petites punchlines censées nous décrocher des rires. Parce que l’humour est omniprésent dans ce titre qui présente tout de même des aspects politiques qui auraient pu être très sérieux. Alors que la presse s’inquiétait beaucoup de cet aspect, il se trouve qu’Atomic Heart n’aborde qu’en surface ces sujets. On a le droit à quelques échanges autour du communisme et la manière dont un tel État devrait gouverner, mais cela s’arrête là. Je pourrais évoquer les arguments avancés dans ces rares dialogues, mais je n’ai réellement pas envie de m’aventurer sur ce terrain. Je vous laisserai vous faire votre propre avis.

Non, le jeu se concentre sur un complot qui implique des politiques et des scientifiques qui seraient à l’origine du dérèglement des robots. Nous sommes face à une sorte de huis clos qui tourne autour de quelques personnages bien que les enjeux soient mondiaux. Une approche un peu décevante, mais pourquoi pas après tout ? Personnellement, j’ai regretté cette absence de prise de risque qui livre finalement un scénario assez bateau, mais qui a le mérite d’être riche en rebondissements. Il n’y aura pas de spoils ici, mais je dois bien avouer que les dernières heures de jeu ont réussi à me surprendre. Malgré ses nombreux défauts de narration, Atomic Heart aura au moins réussi cela.

Nechayev Sergey Alekseyevich aka P-3

Et on fait tourner les serviettes !

Bien que le plot m’avait séduit, le jeu est rapidement une douche froide. Bien que le contexte de l’histoire soit plutôt pertinent et potentiellement très intéressant, c’est plutôt le ton utilisé qui est assez décevant. En effet, j’évoquais la personnalité de P-3 qui me rappelle certains films avec Arnold Schwarzenegger mais ce trait de caractère à base de punchlines devient rapidement assez lourd. Au moins dans la première moitié du jeu. Il m’aura alors fallu m’armer de courage pour poursuivre l’aventure. Cette lourdeur un peu beauf est un humour qui peut fonctionner dans certains cas, mais dans Atomic Heart, c’est l’overdose. Dans l’ensemble, c’est assez bas du front.

Une approche assez regrettable, d’autant plus que l’environnement dans lequel se passe cette histoire n’était pas forcément propice à la rigolade. On parle d’un évènement qui pourrait signer la fin de l’Humanité telle qu’on la connait. Personnellement, je trouve que P-3 casse l’ambiance et brise clairement l’immersion. Je dois bien avouer que c’est la première fois qu’un jeu me sors de son environnement pour cette raison. Des jeux mal écrits, il y en a plein, mais celui-là a réussi à me sortir de l’histoire qui a pourtant ses qualités. Pour moi, c’est l’un des grands loupés d’Atomic Heart. S’il aurait été possible d’ajouter un zest d’humour, même un peu nul, ici cela va trop loin. « Lourd » est vraiment le terme qui convient.

Il faut aussi évoquer l’hypersexualisation de l’ensemble des protagonistes/robots féminins. Si les blagues en dessous de la ceinture peuvent me faire sourire parfois, là aussi, c’est trop. Le délire va même jusqu’à sexualiser Eleanor, une machine qui permet de gérer votre inventaire et crafter vos armes. La première fois, c’est amusant, mais toutes les interactions avec cette IA tournent autour du sexe. Un choix totalement incompréhensible puisque cela n’est pas justifié et n’apporte rien au récit. C’est complètement gratuit. Un petit mot aussi autour du personnage de Larisa Filatova qui est une scientifique qui nous vient en aide et qui se balade en talons aiguille dans un contexte de survie face aux machines. Elle aura aussi le droit à des plans de caméras bien placés afin de mettre en avant son anatomie. Une nouvelle fois, c’est totalement gratuit.

Atomic Heart - Robot
Moi devant la mysoginie d’Atomic Heart.

Les jumelles d’Atomic Heart

Pour moi, la plus grosse déception reste le traitement réservé aux robots jumelles qui ont été très mises en avant dans la campagne de communication. Attention petit spoil mais elles ont été crées sur la base d’un seul cerveau Humain divisé en deux. Une très bonne idée qui n’est juste que survolée dans les dernières minutes du jeu. Il y avait là tout de même un sujet qui aurait été très intéressant d’aborder, notamment autour d’une conscience qui vit dans deux corps différents. Une chose que l’on a vue dans Cyberpunk 2077 via la mission « Beat on the brat : Kabuki », par exemple. Un gros loupé.

Bien qu’il s’agisse de robots danseuses et qu’il s’en dégage une certaine grâce, ces personnages sont vite rattrapés par l’hypersexualisation qui gâche la fête. Là encore, certaines prises de vues et certaines positions n’étaient pas nécessaires. Cette approche n’apporte rien si ce n’est des occasions de montrer ces machines dans des positions suggestives. Il en ressort le sentiment d’être pris pour un adolescent prépubère en quête de sensations. Il est fort probable que Mundfish n’a pas fait son étude de marché quand on sait que le joueur moyen à 39 ans et est composé de femmes et d’hommes à valeur égale. C’est un véritable désastre sur ce point.

Très sincèrement, il y avait d’autres manières de présenter ces robots jumelles. Encore une fois, l’idée est géniale, mais le traitement lourdingue sort complètement de cet univers pourtant réussi. Ce sont des choix totalement incompréhensibles qui donnent le sentiment que le studio est totalement passé à côté du mouvement Me Too et est encore ancré dans des idées qui ont plus de 30 ans. Je n’ai pas d’autres mots que « désastreux ». Qu’est-ce qu’ont voulu faire les auteurs ? Cette sexualisation n’apporte rien aux personnages et à l’histoire. C’est juste gratuitement beauf. Pourquoi ?

Atomic Heart - Hypersexualisation

À deux doigts d’avoir été culte

Pour être tout à fait honnête, je n’attendais pas grand-chose d’Atomic Heart. Pourtant, son univers, ses personnages et les thématiques qui auraient pu y être abordées avaient le potentiel pour en faire un grand jeu. Malheureusement l’approche est totalement ratée. Malgré ses qualités graphiques et sa direction artistique et sonore, le jeu peine à nous immerger à cause de ces choix incompréhensibles. Son gameplay qui reste intéressant, mais qui a ses faiblesses aurait pu être pardonné avec un univers et une histoire mieux traitée. Vous l’aurez compris, c’est une grosse déception.

Atomic Heart reste un jeu passable avec ses qualités si on fait abstraction de ses trop gros défauts. L’expérience reste fluide dans son ensemble et on progresse assez naturellement en faisant évoluer son personnage et ses armes. Toutefois, on reste sur des mécaniques assez basiques avec des énigmes et puzzles qui ne sont pas insurmontables. Des puzzles qui cassent parfois le rythme, notamment ces serrures sous forme de mini-jeux qui n’apportent pas grand-chose. Bien que le titre ait été assez bien reçu par la presse, selon moi, il aurait pu se hisser dans la courte liste des jeux cultes. Avec une meilleure approche de son histoire et de ses personnages, sans cet humour trop lourd, il avait le potentiel d’une belle œuvre.

Bien que les choix qui ont été faits ici sont impardonnables, il s’agit du premier jeu de Mundfish qui semble encore avoir beaucoup à apprendre. On peut espérer que les diverses critiques qui ont été faites autour d’Atomic Heart leur ouvrent les yeux sur leur approche très bancale. Difficile de dire que c’est un bon titre tout comme il est difficile de dire que c’est totalement mauvais. Pour ma part, il va rejoindre le Panthéon des jeux que je vais vite oublier.

Quel gâchis.